Lassitude & shit

C’est quand même la semaine où j’ai envoyé mon roman à la toute première maison d’édition. Il me semble que je devrais baigner dans la joie et l’allégresse et la fierté du travail accompli. Et ces émotions se sont manifestées, évidemment. Mais elles se sont retrouvées noyées dans les jours qui passent et se tortillent, et qui ne m’apportent rien d’autre qu’une grande lassitude.

Lassitude de ma vie professionnelle.

Lassitude de mon logement.

Lassitude de mes amours.

J’étouffe sur ces trois aspects de ma vie, je n’y vois pas d’issue ni de sens, et ça me pèse, ça m’enfonce dans le sol quand bien même j’essaye de m’élever à la force des bras et du cerveau, et bien non, il y a toujours un coup de marteau pour me renfoncer droit d’où je viens.

J’ai pris la résolution, hier, que 2018 sera ma dernière année de traduction. Je ne peux plus continuer comme ça. Tant pis si ensuite je crève la dalle. Je ne veux plus mener cette vie où je me désole chaque jour de ne pas me consacrer à la lecture et à l’écriture. Si encore ça m’apportait un certain confort, mais outre la précarité de mon statut d’autoentrepreneuse, je ne gagne que des clopinettes qui me permettent de tout juste m’en sortir. Fin 2018, début 2019, ce sera donc l’avènement du Van. Je le vois comme une libération de ces attaches sédentaires et la flexibilité que j’attends désespérément. Mais il faut patienter. Et subir. Cette vie-là m’attend quelques temps déjà, vous le savez si vous m’avez suivie l’été dernier. J’ai hésité, le moment n’était pas le bon, mais désormais je mets une échéance pour la tester et voir ce qu’elle a à m’offrir.

Ma vie affective non plus n’est pas au beau fixe, mais ce n’est pas non plus une surprise par ici, après tout je reviens régulièrement déprimer sur ces pages, constater que je n’ai pas de confident·e à qui déverser tout ce qui me brûle à l’intérieur. Je me retrouve ainsi à partager des éléments personnels à toute une tablée de connaissances, pour le regretter aussitôt, mais les mots se sont bousculés sur mes lèvres car ils avaient besoin de sortir, s’ils restent en moi ils sont prisonniers. Ils cherchent à s’évader, tout comme ces soupirs que j’ai pour cette personne, des soupirs dignes d’une jouvencelle du dix-septième siècle qui se languit de son bien-aimé par la fenêtre de sa chambre. Quand je me contentais de soupirer dans mon cerveau, passe encore, mais voilà que maintenant ces soupirs se concrétisent, deviennent de l’air qui passent mes lèvres lorsqu’il entre dans la pièce et que je le trouve beau malgré moi. Je voudrais le trouver hideux, je voudrais qu’il arrête de me plaire parce que je sais qu’il ne peut rien m’apporter, c’est insupportable, je n’en peux plus. J’ai cruellement conscience que mon cerveau s’attache uniquement à lui parce qu’il a besoin de s’attacher à quelqu’un. Je connais bien cette sensation, depuis la primaire c’est comme ça. Et comme personne ne s’intéresse à moi, alors je m’intéresse à lui. J’aimerais bien me sortir de ça. C’est pénible. Et fatigant. Je ne devrais même pas l’écrire ici. Mais les mots prisonniers font tout pour s’évader. Ils veulent voir la lumière.

Voilà l’état dans lequel je termine cette semaine. Il y a eu un sursaut de bonne humeur, pourtant, mercredi soir, lorsque je me suis entrainée avec les Séniors et que mon cerveau s’est réjoui d’apprendre des choses nouvelles, d’être stimulé et sollicité, plutôt que de passer son temps en mode automatique. Le lendemain a été une journée particulièrement guillerette. Je me suis réveillée le sourire aux lèvres. J’ai finalisé l’envoi à l’éditeur. Puis je me suis réjouie comme une ado d’une chose stupide. Ça m’aurait presque donné de l’espoir, tiens. Je l’ai savouré même s’il était ridicule, juste parce qu’il me faisait du bien et que je savais qu’au moment où cette pétillance retomberait j’aurais bien du mal à m’envoler de nouveau.

Et depuis vendredi, ça ne loupe pas, je pèse lourdement dans le sol, je n’ai plus aucun entrain et mon invisibilité et mon inexistence pour le reste du monde me frappent de toute leur amertume.

La journée est grise. Le cœur est flou. Le sourire en berne. L’eau pointe le bout de son nez. Et se déverse.

Get through this day. Just get through this day.


Article 25/30 du challenge 30 jours/30 articles. Pour ne plus entendre ma tête bourdonner à force de trop penser – penser à m’en rendre malade, penser à en vomir – je me suis mise à peindre. Ce qui m’a fait du bien. Juste le temps de peindre. Après, tout le bordel est revenu.

21 commentaires

  1. Donner un sens à sa vie. Une chose importante pour un être Humain. Cette citation me revient en mémoire : « Avant de mourir, unHomme doit faire un enfant, écrire un livre et planter un arbre » attribuée à la Compay Segundo. Plus que le livre à écrire et je peux disparaître avec la sentiment du devoir accompli LoL 😉

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      1. C’est clair. L’ être humain a besoin de donner un sens à sa vie. Et ce que je voulais dire à travers cette citation qui pourrait être une blague finalement, c’ est que les réponses sont en chacun de nous. Et ce n’ est pas une quelconque citation qui nous donnera les clés .

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  2. On a tous des moments comme ça où on a besoin de donner plus de sens à sa vie… Je suis certaine que tu trouveras de quoi la faire davantage vibrer ! Je découvre que tu es traductrice comme moi, je trouve que c’est un métier très solitaire dont il ne faut attendre aucune reconnaissance, et c’est pas facile à vivre au quotidien…

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    1. Probablement que c’est ce qu’il me manque, la reconnaissance, en ce moment je n’en ai quasiment nulle part. Or c’est quand même un boosteur de moral…
      Je suis solitaire, pourtant, sur le papier je devrais m’éclater à faire ce job, mais les conditions de travail sont loin d’être idéales pour faire ça sereinement. Je viens de passer deux jours à faire de la post-édition, un calvaire pour une misère.

      Merci de ton passage par ici en tout cas 🙂
      J’essaye de passer bientôt sur le tien

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        1. J’ai passé cette semaine à faire de la post-édition, payée donc deux fois moins cher mais il me semble quand même que j’ai mis autant de temps que si j’avais traduit de zéro, donc ce n’est quand même pas très encourageant, je suis crevée (parce que bien sûr le délai était ridiculement serré) et au final le montant sur la facture ne représente pas vraiment mon travail…
          Enfin bon ! Merci de tes encouragements ! Oui, le retour du printemps fait du bien 🙂

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  3. Tu as passé un cap en envoyant ton manuscrit, c’est peut-être juste la tension qui tombe.
    Quand au sens de la vie, il y a toutefois toujours un moment où ça revient. Je pense que c’est compliqué mais que ça nous permet de réfléchir à ce qui est important, essentiel pour nous. Et de faire des choix.
    Courage Cléa.
    PS – à une époque j’avais aussi testé la peinture, ça fait un peu de bien, c’est temporaire mais c’est déjà pas mal…

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    1. Oui Marie, il y a eu de cela, de la tension qui retombe. Deux ans à bosser dessus et tout à coup il s’envole, peut-être que ça m’a atteint plus que ce que je ne pensais.

      Oui, le sens finit par revenir, même si en ce moment je me sens un peu comme une boussole qui tourne sans trouver le nord. C’est si vide quand il n’y a pas de sens. Mais je tiens bon. Merci de tes mots d’encouragement qui me mettent comme d’habitude du baume au cœur.

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  4. j’ai remonté le temps jusqu’en janvier et à ton enfance…….mes mots sont là-bas car c’est pour moi une des clés de ta vie présente
    les couleurs de ton tableau me touchent car ce sont les miennes……
    ici, nous ne sommes ni ta famille, ni des amoureux(ses) potentiels, nous sommes ‘virtuels’ et pourtant, il se peut bien que, tous autant que nous sommes, soyons aussi (voire plus) proches de toi que ceux et celles qui t’entourent ‘physiquement, réellement’……
    virtuellement toujours mais avec conscience, je te fais un gros câlin, cléa

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    1. le rouge j’ai du mal à m’en passer, le noir j’en avais besoin pour exprimer mon état.

      Si je me confie ici c’est parce que je sais que je peux trouver des oreilles virtuelles pour m’entendre ! Chaque mot, chaque commentaire posté ici compte énormément. Mais c’est vrai que parfois ce soutien un peu plus physique me manque.

      Merci de ton passage et de ton câlin !

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  5. De grands changements s’annoncent visiblement, j’espère que ça te fera du bien. N’empêche, félicitations pour l’envoi de ton roman et tu existes pour nous qui te lisons toujours avec plaisir.

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