Jour 50 et les rails du cerveau.
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Quand le tram tombe en panne à Bordeaux, ce qui arrive plus que de raison, on peut le deviner à l'exode humain qui s'empare des rues et s'ébranle vers sa destination plus ou moins lointaine. Sur les trottoirs et sur les rails, on avance à pied ou à vélo si on a eu la chance de trouver un v3. J'aurais aimé ne pas avoir à marcher aujourd'hui, après les 4h de prestation ménage que j'ai dû exécuter ce matin et qui m'emplissent le corps de lassitude, mais le trafic ne reprendra pas avant une heure, il vaut mieux avancer. Mes pieds me portent et rebondissent au son de Boogie Wonderland qui anime mes oreilles. Je marche vite, j'attrape chaud. L'air est doux. C'est pas si pire, comme on dit ici. Non, c'est pas si pire. Je passe voir l'opticien pour commander des lentilles, je suis accueillie par le même homme que d'habitude, grand, les traits bienveillants. Sa voix douce m'apporte un peu de chaleur. Je sors un peu plus légère.
Hier, le Cactus m'a dit que je ne devais pas me prendre la tête, et qu'on verrait bien si la vie nous rapprocherait à nouveau un jour futur. Mon cerveau excité a eu envie de le secouer, de lui crier que c'était impossible d'être aussi passif de sa propre existence. Et puis, une fois calmés les remous dans les sillons, le cerveau raisonnable a repris le dessus et a reconnu qu'il y avait un brin de sagesse dans ce raisonnement. Alors je prends cette nouvelle leçon de vie que me donne le Cactus, j'essaye de me lâcher la tête au lieu de me la prendre, et je profite de l'air d'hiver sur mon front moite, en rentrant tranquillement chez moi.
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Jour 27 & les larmes de vent.
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Il souffle sur mon front et me recouvre de son hiver. C'est le vent qui fait mal à la tête et donne envie de se terrer au fond de soi-même en attendant de meilleurs moments. Dans mon manteau trempé de la radée tombée un peu plus tôt, je frissonne, renfonce un peu le menton dans l'écharpe que ma soeur m'a offerte et qui est si chaude. Les bourrasques m'envoient des poussières de pluie que l'existence a encore aspergé sur mon chemin. Eaux qui ruissellent à l'intérieur, torrents qui se déversent à l'extérieur, et toujours le vent pour mener la danse, quand la vie passe à côté et qu'elle t'ignore de toute sa splendeur. Se tromper sur les gens, c'est une chose, mais voir les gens se tromper sur eux mêmes sans rien pouvoir faire, c'est encore pire. Cette impuissance à ajuster le timing, les envies, combien de fois vais-je encore devoir la subir ? Est-ce l'histoire d'une vie qui ne fera que se répéter quoi que j'y fasse ?
Le vent me secoue, m'ébranle. Rien dont je n'ai pas l'habitude. Je vais tenir, je vais sourire. Même en voyant mourir ces nouveaux bouts d'espoir. L'espoir n'est pas fait pour durer, je l'ai compris, je ne m'y attache plus.
Le vent me transperce et m'engourdit, mais je sais qu'il finira par me pousser sur un nouveau chemin, une nouvelle rencontre, et tout sera à recommencer, et tout finira probablement par s'effondrer. Mais que ne serait-on pas prêt à faire, à patienter, à croire, pour vibrer juste quelques minutes ?
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Jour 7 & le cerveau aux milles pensées.
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Aujourd'hui a encore été une de ces satanées journées où mon cerveau saute du coq à l'âne à chaque seconde. C'est épuisant, de commencer dix nouvelles tâches en une minute et de passer les suivantes à alterner entre les unes et les autres. Parfois, j'aimerais que mon cerveau se satisfasse de ne faire qu'une seule chose à la fois, au lieu de grimper de branche en branche de façon complètement frénétique et désordonnée, à un rythme que seul lui arrive à suivre et pour une productivité proche du néant. J'ai beau essayer toutes les techniques d'organisation du monde, si mon cerveau a décidé qu'il n'en ferait qu'à sa tête alors rien ne pourra le faire tenir sur des rails. C'est à la fois une malédiction et une chance, car c'est aussi le cerveau qui me confère une créativité sans bornes, celui qui aligne les mots en de jolies phrases, celui qui me donne une perception du monde unique et éclairée. Il faut sans cesse se rééquilibrer, chercher l'osmose avec le quotidien tout en acceptant de vivre avec ce qui ne peut pas être changé. Se reposer quand le cerveau s'apaise, car, après tout, lui aussi doit parfois reprendre son souffle.
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Jour 5 & la pensée-bateau.
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J'ai laissé couler mes yeux sur cette eau filante qui a déjà été le vaisseau de nombreuses réflexions et considérations. Le pouvoir de ce ruisseau est étonnant. Hypnotisant et cicatrisant. Alors ça m'a frappée, comme c'est toujours le même ruisseau qui se présente à moi mais jamais les mêmes eaux. Comme je m'avance sur son rivage avec toujours la même enveloppe mais jamais le même esprit. Nous nous retrouvons ainsi régulièrement, à la fois inchangés et jamais pareils, en constante évolution à partir de nos sources. Une série de rencontres familières et nouvelles. Il en est ainsi des vieux amis, les éloignés, les occupés, que l'on retrouve avec toujours les mêmes vibrations mais quelques cordes de changées. Alors on se redécouvre avec une joie renouvelée que les années ne ternissent pas. Les coeurs résonnent et projettent de se revoir dans un an. Identiques et nouveaux.
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Jour 4 & lignes de vie.
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Ce sont celles qui se dessinent sur le visage de ma grand-mère quand je l'écoute parler de la douleur de perdre un enfant. "Toi, tu n'en as pas. Mais je t'assure qu'il n'y a rien de plus douloureux dans la vie. On s'en est pas remis, à l'époque. On s'en est toujours pas remis. C'est une douleur qui dure toute la vie." Les yeux se couvrent d'un voile brillant tandis que l'émotion la traverse, toujours aussi vive avec les années. Le corps flanche et l'esprit vacille, mais cette perte reste figée dans le coeur. Je repose la photo où sont réunis les quatre enfants, les deux plus grands guitare à la main, les deux dernières l'oreille attentive. Ma mère adolescente, et cet oncle que je n'ai jamais rencontré. J'ai un exemplaire de cette photo sur mon propre bureau, elle me touche tant, par toute l'histoire invisible qui se cache derrière ces sourires authentiques. Mes grands-parents soupirent ensemble, les yeux perdus dans leurs souvenirs. Puis ils se lèvent en silence et retrouvent l'oeil pétillant. C'est l'heure de la partie de Barbu. Nous nous attablons et ma soeur distribue les cartes. Le moment est passé. Place au présent.
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Jour 3 & le ramage du vent.
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L'air du nord court entre les monts du lyonnais, par courtes rafales qui frissonnent l'échine et assèchent les lèvres. L'hiver ici se vit différemment, plus sec, plus franc. Il ne se cache pas derrière l'humidité de l'océan comme à Bordeaux. C'est l'hiver de mon enfance, celui dans lequel nous allions jouer et qui nous mettait le rose aux joues. La terre était dure, l'herbe rare et les rires résonnaient dans le jardin. L'acacia n'était pas si grand, mais la vie avait déjà sorti les épines sur ma peau d'enfant. Aujourd'hui l'arbre s'agite dans le vent, mais il résiste. Il sait où sont ses racines.
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