En liberté conditionnelle

Hier, je me suis réveillée avec l’envie d’écrire. Un moustique avait obstinément chanté dans mes oreilles sur le petit matin et m’avait plongée dans un sommeil irrégulier et plein de rêves douteux. Pourtant, malgré la fatigue particulière que cela engendre, lorsque mon réveil a sonné, au lieu de me sentir brumeuse et engourdie, j’ai tout de suite eu ces mots qui se sont alignés dans mon cerveau, la bousculade des phrases, l’arborescence des idées qui attendent depuis si longtemps d’être exprimées.

J’ai senti l’envie monter, au cours des jours précédents, reconnaissant dans mon cerveau ces germes de textes qu’il faudrait prendre le temps de développer. Je savais qu’un jour je reviendrai à ce blog, mais j’ignorais encore quand et comment. Or, depuis quelques temps, je sentais que j’étais en chemin vers lui.

Que l’envie se fasse particulièrement pressante hier, ce n’était pas anodin. Je me suis réveillée en sachant que c’était la dernière fois que j’irai faire du ménage dans une maison qui n’est pas la mienne, et la liberté que cette perspective m’a apportée fut à la hauteur de l’étau dans lequel je me sentais étouffer depuis de longs mois. Quatorze semaines déjà que j’avais lancé le compte à rebours, quatorze semaines que j’avais compris à quel point ce travail n’était vraiment, vraiment pas fait pour moi. Quatorze semaines que j’avais décidé qu’il me fallait une date limite à cette tâche, dont je ne pouvais pas me défaire comme ça, que ce soit par nécessité ou par loyauté envers la personne qui me l’avait confiée.

Je l’ai poursuivie en sachant pertinemment ce que je lui sacrifiais. Ma créativité, ma motivation, ma sérénité. Tout ce que j’avais déjà sacrifié à la traduction et que je peinais encore à retrouver. Mais cette fois-ci, la date limite que j’ai posée est aussi la fin de l’enchaînement et le début d’une liberté nouvelle. Une liberté qui sera source d’autres frustrations et d’importantes problématiques économiques, mais je vais avoir trente ans cette année et je n’en peux plus de cette vie qui ne me laisse pas m’exprimer. Partout, le capitalisme et le consumérisme sont là pour nous dire qui être et comment agir. J’ai été élevée dans une maison trop rebelle pour continuer de l’accepter. Ce n’est pas comme si j’abandonnais une vie confortable et faste pour un quotidien incertain. Ma situation est déjà précaire, alors autant se vautrer franchement dans la précarité et arrêter de nourrir le système capitaliste de ma force de travail qui, de toute façon n’est pas reconnue, uniquement exploitée, saignée jusqu’à ce que je n’aie plus rien à donner.

¡Basta, ya! L’autre jour, sur un formulaire de renseignements, pour la première fois de ma vie, dans la case profession, j’ai écrit écrivaine. Pour la première fois, je vais être qui je suis. I. Can’t. Wait.

10 commentaires

  1. avancer sans se retourner, mettre toute son énergie au service de soi : longue et belle route, intense et enrichissante vie. La porte qui vient de s’entrouvrir possède tout ce qu’il faut. L’utopie est ce qu’il reste à accomplir, alors à vous d’y permettre et faire naître tout ce qui peut peupler votre soleil.

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  2. et moi ça fait plusieurs jours que je pensais à toi avec insistance, me demandant comment tu allais depuis tout ce temps…….et j’allais justement te mettre un p’tit mot comme on jette une bouteille à la mer 🙂
    merci d’avoir répondu à cet appel muet et des gros bisous, cléa

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  3. Cela fait plaisir de te revoir ^.^ et comme souvent, je me reconnais dans ta prose (sur le capitalisme, le fait de le nourrir par notre force de travail qui est trop souvent exploitée sans reconnaissance, comme si nous n’étions que des machines – et c’est presque ainsi que nous considère ce système qui nous voit comme des « RESSOURCES humaines ».

    Bon retour et au plaisir de te (re)lire 😉

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  4. Si je te dis que je suis ravie de te retrouver, tu me croiras!
    Je suis heureuse que tu te sentes prête à revenir par ici. Nous enchanter.
    Une nouvelle aventure commence pour toi, elle sera riche. C’est certain.
    Au plaisir Cléa.
    Affectueusement

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